L'homme du lac, par Arnaldur Indridason

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Est-il besoin de dire qu’il s’agit d’un polar islandais ? Peut-être de le présenter comme le premier à mettre en scène le commissaire Erlendur.  Egalement comme le premier roman d’indridason que je lis. Pas ce que j’attendais, plutôt un réel plaisir à progresser dans une enquête complexe que le suspense frénétique que je m’étais promis.
 

À la faveur d’une baisse de niveau de quatre mètres dans le lac de Kleifarvatn, suite à un séisme récent, un squelette est mis à jour, lesté par un appareil d’écoute radio, probablement d’origine soviétique, avec ses caractères cyrilliques à demi effacés. La mort, violente comme l’atteste le crâne fracassé, remonte à plusieurs décennies, année 60 ou 70, d’après les expertises. Le commissaire Erlendur est mis sur l’affaire, avec ses collaborateurs, Sigurdur Oli et Elinborg, laquelle semble davantage préoccupée par la sortie d’un livre de cuisine qu’elle a écrit en parallèle à sa fonction d’officier de police. Erlendur lui-même a des soucis familiaux, séparé de sa femme, un fils en vadrouille qui vient se coller chez lui, une fille en cure de désintoxication aux drogues dures, qui rechutera fatalement. 
Erlendur, marqué par la disparition d’un frère quand il était enfant, se penche alors sur les disparitions qui ont eu lieu dans les années 60, découvre une femme qui pleure toujours un amant envolé, une Ford Falcon qui a maille à partir avec la disparition de cet homme, un paysan qui fut le dernier à le voir vivant, et surtout d’anciens étudiants communistes qui avaient obtenu une bourse pour étudier à Leipzig, en Allemagne de l’Est, là où la Stasi surveille tout un chacun, et recherche en permanence de nouveaux informateurs, en particulier parmi ces étudiants. Dans cette quête, Lothar joue un double jeu terriblement efficace.
En réalité, le roman se déroule en deux parties distinctes qui ne se rencontrent qu’à la fin : la partie actuelle consiste en la recherche de disparitions non élucidées dans les années 60-70 pour éclaircir le mystère de la mort de l’homme du lac, la seconde partie se déroule au milieu des années 50 à Leipzig, en Allemagne de l’Est, quand la police politique allemande, aux ordres de Moscou, surveillait tous les citoyens, l’exemple de la révolte latente en Hongrie, pouvant être un précédent inadmissible. Dans ce milieu, Tomas, étudiant islandais, oscille entre, d’une part, un soutien indéfectible à la nouvelle « démocratie » qui doit se « reconstruire » après la guerre, et privilégier l’effort, la sécurité, l’autorité par rapport à la liberté, d’autre part, le soutien à la révolte hongroise en cours, sous l’influence de sa petite amie, Ilona. Les réunions de ces révoltés seront dénoncées, et Tomas choisira son camp. La répression, à l’instigation de la trahison d’un ami de Tomas, s’abattra sur eux, et Tomas, une fois de retour en Islande sans Ilona, n’oubliera pas…
Ce polar est édifiant en ce qu’il retrace avec fidélité l’ambiance islandaise, dans cette île où le jour s’étire sur 24 heures en été et où les gens n’oublient pas de vivre, semblant tous se connaître ; il l’est surtout quand est évoquée la vie en RDA pendant la période communiste. Les portraits psychologiques des uns et des autres semblent justes, Erlendur apparaissant sous un jour un peu obsessionnel et mélancolique, ne lâchant jamais une piste, même quand elle est décriée par ses collaborateurs.
Ce livre est-il un polar ou une œuvre littéraire ? Peut-être que les deux notions ne s’opposent pas. Qui me conseillera un autre Indridason ?

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