Chanson bretonne, suivi de L'enfant et la guerre, par J.M.G. Le Clézio

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Deux contes - on parlerait plutôt de souvenirs d’enfance, mais peut-être est-ce moins commercial - qui racontent une Bretagne des années 1950 qui n’aurait pas grand chose à voir avec ce qu’elle est devenue, et la ville de Nice et ses environs pendant la guerre de 40.

Le Clézio a dû avoir une enfance mouvementée. Ses racines sont multiformes, certainement bretonnes, même s’il n’a jamais vraiment vécu
en Bretagne, mauriciennes, niçoises (il est né à Nice en 1940). Après Nice, ce fut le Nigéria où son père, médecin, avait passé la guerre. Enfant voyageur avant d’être un adulte voyageur, Le Clézio a développé un fort sens de l’observation, de la curiosité, de l’attachement aussi pour cette terre qui fut celle de ses ancêtres. Il s’y sent chez lui, arpente ses chemins, le long des blés mûrs avant la moisson ou dans le champ de pommes, gagne le port de Sainte Marine, ce bourg où il passe ses vacances avec son frère et sa mère. Il a une dizaine d’années, la guerre est finie. Il décrit le village, longue rue de terre avec de vieilles maisons, leurs toits d’ardoise ou de chaume, leurs jardinets plantés d’oignons, une unique boutique qui vend de tout, une pompe qui distribue l’eau potable de tout le village. Au bout de la rue, c’est le port avec son bac, antique, rouillé, grinçant qui franchit l’estuaire de la rivière, l’Odet, pour conduire à Bénodet, la station balnéaire « moderne » avec ses plages et ses estivants.
L’enfant devenu adulte se souvient de ses jeux, de ses escapades, de ses camarades, de ses émerveillements. Les fêtes, la langue bretonne, couramment parlée alors, les paysans et les pêcheurs qu’il a côtoyés, ont constitué son initiation, son apprentissage, l’invitant à s’intégrer, à s’enduire de ce vernis qui lui permet aujourd’hui d’entamer sa chanson bretonne.
L’enfant et la guerre, le deuxième « conte » m’a paru être davantage une réflexion sur ce qu’un enfant tout petit peut percevoir d’une situation telle que la guerre, sur ce dont il peut se souvenir quand il a entre 0 et 4 ans. Il vit avec sa mère, sa grand mère, son frère aîné, d’abord à Nice, puis dans l’arrière-pays niçois, dans la montagne, à Roquebillière. Empreintes uniques constitutives d’une mémoire, souvenirs qui deviennent vite indélébiles, l’auteur évoque une bombe tombée dans le jardin de leur maison, et surtout la faim, ce « vide » de chaque instant qui creuse sa tanière au centre du ventre, ce tourment permanent que rien ne peut combler.
Hymne à la Bretagne, ses talus (kleuziou en breton), ses pêcheurs, sa chanson entêtante, vécu mi-réel, mi-imaginaire, de la guerre, inscription de la faim dans le corps, une rencontre heureuse qui fut celle de Mario résistant qui trouva la mort par la bombe qu’il transportait et destinait à l’ennemi. De la bonne littérature !
 

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