Orgueil et préjugés, par Jane Austen

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Si l’on fait abstraction du titre, qui trouve peut-être son sens à la lecture de l’ouvrage, mais qui évoque plutôt un essai qu’un roman, on est en face du grand classique de la littérature anglaise que l’on nous promettait, et qui visite la société plus ou moins huppée de la fin du XVIIIe siècle et de début du XIXe, petits ou grands propriétaires terriens, bourgeois de petites villes ou londoniens. La vue est donc panoramique, si l’on excepte les petites gens.

 

Dans le comté du Hertfordshire, la famille Bennet occupe une propriété modeste où logent le couple parental et cinq jeunes filles entre quinze et vingt-deux ans. Les protagonistes sont bien typés, le père, un cérébral toujours dans l’humour et la dérision, est faible et irresponsable, la mère est rustre, primaire, sans malice, ridicule en société, maladive, et toute à ses filles. Le couple est particulièrement mal assorti et discordant - une erreur de jeunesse ! Jane est l’aînée des filles, la plus jolie, sensible, optimiste, sociable, avec une foi solide envers le genre humain confinant à la naïveté. La seconde, Elizabeth, est sa complice, c’est le personnage central du roman, sensible, intelligente, perspicace, elle va de l’avant. Mary n’existe pas beaucoup dans le roman, toujours enfermée dans ses livres. Catherine et Lydia sont les plus jeunes, frivoles, impressionnées par les uniformes, prêtes à suivre le premier militaire venu.

En face, Mr Bingley est un jeune, agréable et influençable gentleman, amoureux de Jane, flanqué de deux sœurs, et Mr Darcy est son ami, son mentor, richissime, ténébreux, voire orgueilleux et arrogant. Son portrait prendra une touche beaucoup plus favorable à mesure de la progression de l’intrigue. Mr Collins, pasteur de son état, est un bavard insupportable, qui tourne toutes ses phrases avec un maximum de circonvolutions et d’obséquiosité. Wickham enfin est est un militaire très séduisant, qui se présente comme une victime de Mr Darcy, ce que la suite démentira de façon fracassante. Ces trois derniers personnages demanderont à tour de rôle la main d’Elisabeth et celle-ci les éconduira tous, en femme libre qu’elle est. Elle se ravisera sur preuves et acceptera la proposition de l’un d’entre eux. Le plus riche ? Le plus bavard ? Le plus beau ? Lisez donc plus avant - le roman, pas la critique ! C’est là que le lecteur mâle a un petit pincement au cœur car une femme libre est toujours un peu à soi dans la littérature.

Les sentiments jouent le premier rôle dans ce roman, on aime, on déteste, on est bon ou on est mauvais, on pense du bien, on pense du mal, on est pudique ou on s’étale dans le ridicule ou la vulgarité. Le second rôle est social, il y a les riches ou très riches et les moins riches et la coutume veut qu’on ne mélange pas trop les classes. On passe outre. Le sens du portrait n’est pas en reste : le pinceau de l’auteure dessine les personnages avec finesse, tendresse souvent, ironie mordante parfois, et chacun d’eux agit fidèlement en fonction de ce qu’il est. Le talent de Jane Austen s’exerce pleinement là, son écriture ne s’embarrasse pas de descriptions ou de considérations inutiles, elle colle aux personnages, à leurs dires, à leurs faits, de façon permanente.

Voilà donc un livre substantiel, une critique de la société anglaise, en douceur, à la fois subtile et candide, ingénue, avec finesse dans l’analyse des caractères, un sens de l’action et du rebondissement de l’action inattendus, et une happy end.

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