Loin de Chandigarh, par Tarun J Tejpal

Publié le

La première phrase de ce roman est : « L’amour n’est pas le ciment le plus fort entre deux êtres. c’est le sexe. » La dernière phrase, environ sept cents pages plus loin, est : « Le sexe n’est pas le ciment le plus fort entre deux êtres. C’est l’amour… »

L’auteur semble avoir fait du chemin - affaire d’expérience et de circonstances - mais le propos du livre n’est pas de démontrer le parcours du narrateur pour passer d’une sentence à l’autre. Le manque de l’aimé(e) y suffit.

La première partie du roman nous fait voyager dans une région de l’Inde du nord, admirer ses paysages préhymalayens superbes, goûter sa vie grouillante, pauvre, imprégnée de sagesse mais aussi d’irrationalités, et dont l’activité se déploie partout, dans des bourgades, le long des routes, à Chandigarh comme à Delhi.

Le narrateur est journaliste, mais il essaie surtout d’écrire un roman, projet d’envergure pour lui dont il dévoile et détaille la trame, avant de renoncer et de passer à une autre histoire, qu’il ne parvient pas non plus à mener à son terme. Ce jouisseur, un peu looser, est surtout immergé dans une passion charnelle torride pour Fizz, union condamnée par les familles car il est bouddhiste et elle musulmane. Peu importe, ils sont modernes, et le sexe n’a pas de religion. Le sexe est très présent dans ce livre, évoqué avec force mais aussi avec pudeur, de la poésie, même si par moments, sa présence est un peu assourdissante.

Si l’argent n’est pas un sujet dans le couple, il les pousse à se rendre à Delhi pour gagner l’argent de leur amour. Jusqu’au jour où la mort de Bibi Lahori, sa grand-mère, laisse le narrateur riche à millions. Ils achètent alors une maison sur la montagne, la rénovent et découvrent soixante quatre livrets « couverts de cuir fauve » racontant l’histoire d’une Américaine, Catherine, qui a vécu dans cette maison au début du XXe siècle, ouverte à l’amour comme au sexe et qui suit en Inde un prince dont elle est amoureuse mais qui ne fait que « consommer » des jeunes hommes, à en perdre la conversation qu’il avait pourtant brillante.

Le narrateur est fasciné par ces carnets et l’histoire de Catherine, au point d’en perdre son intérêt pour Fizz…

Roman ample, foisonnant, faisant la part belle au désir, à la sensualité, dessinant par touches le portrait d’une Inde qui garde les stigmates d’une longue colonisation, mais qui va vers la modernité malgré des dirigeants médiocres. Bien que rongée par des contradictions et des paradoxes, par la corruption, la pauvreté, les lourdeurs de la tradition - castes, croyances, mysticisme - elle reste attirante. Le ton est léger, actuel, joyeux, par moments jubilatoire, se perdant parfois dans des descriptions de la nature ou, plutôt, s’y plongeant avec délices.

Remarquons pour finir que le titre original « The alchemy of desire » est bien plus évocateur du contenu que celui retenu par l’éditeur français.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article