La mort du roi Tsongor, par Laurent Gaudé

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Ce livre est un conte. Il se déroule « dans une Antiquité imaginaire » comme l’indique la quatrième de couverture, et l’on peut dire aussi dans un pays imaginaire, même un empire. L’argument est-il aussi imaginaire ? Bien sûr, même si on repère quelques thèmes gréco-latins ou classiques, comme la difficulté du choix, l’amour pour deux êtres, la guerre pour un être, la vengeance, l’honneur, l’appétit du pouvoir, la honte.

Tsongor est le maître d’un immense empire qu’il a conquis au prix du sang des hommes et de la destruction de cités et de civilisations. Son plus fidèle serviteur, Katabolonga, est un de ces vaincus dont il a épargné la vie, mais qui doit reprendre sa vie au roi, au moment voulu et pour prix de ses crimes. Le roi, pris de honte, accepte ce pacte étrange, comme cela n’existe que dans les contes… Le « moment voulu » se dessine quand Massaba, la cité royale, s’apprête pour le mariage de Samilia, la fille de Tsongor, avec Kouame, roi des terres du sel. La cérémonie s’annonce somptueuse, mais voilà que débarque Sango Kérim, qui fut un enfant adoptif de Tsongor, un frère pour ses fils et un futur prétendant pour Samilia, promesse et pacte à l’appui. Il revient réclamer son dû après des années d’absence. Samilia est deux fois promise et la situation est évidemment intenable. Tsongor, acculé, ne peut choisir et opte pour la mort. Les deux soupirants se font la guerre, une guerre atroce, dont aucun ne sort vainqueur, et qui provoque morts, désolation, destructions.

Les fils du roi se partagent entre les deux camps, Samilia, face à un choix cornélien, suit l’un et se donne à l’autre. Pendant que la guerre fait rage entre les deux clans, le plus jeune fils de Tsongor, Souba, chargé par son père de construire sept tombaux monumentaux à l’image de ce que fut son règne, s’acquitte de sa tâche.

Tragique est le déroulement de l’action, tragique, le sentiment qui habite chaque personnage, lequel, protagoniste plein de haine ou spectateur impuissant, ne peut qu’assister au désastre que nourrissent la haine et la quête de puissance.

Dans les romans de Laurent Gaudé, les morts n’en ont pas fini avec la vie, même à l’état de cadavre. Ils communiquent, en général, avec un proche tant que leur sépulture définitive n’est pas trouvée. Comme Alexandre dans « Pour seul cortège », Tsongor assiste, impuissant à la dissolution de son œuvre, avant que Sousa ne le transporte dans sa dernière demeure. L’âme du roi Tsongor sensible à ce qu’elle perçoit, fonctionne comme une conscience pour les vivants.

Ce roman a moins de puissance ou de magie que d’autres de Gaudé. Sa structure de conte - cet attribut m’est personnel, Gaudé parle d’un roman - lui confère moins de poésie, moins de subtilité, les personnages sont dessinés à grands traits, comme les faits de guerre, masquant quelque peu les états d’âme, les harangues ou les déclamations du dilemme cornélien. « La mort du roi Tsongor » est toutefois un grand livre.

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