Waiting Period, par Hubert Selby Jr

Publié le

Les premières pages de ce roman m’ont sauté à la figure, je me suis demandé où j’étais, Suicide, mode d’emploi ? Les Carnets du Sous-sol de Dostoïevski ? Pourtant, au delà de la révolte personnelle du narrateur, se profilent une critique sociale véhémente et une expression morale intégriste.

Waiting Period se présente comme un monologue morbide, une lamentation désespérée, ou plutôt une révolte nerveuse, une turbulence fiévreuse, une effervescence chaotique, écrites dans une langue parlée, parfois grossière, et qui ont quelque chose d’éblouissant, qui vous tiennent jusqu’à la fin, car le ton est toujours le même au long du roman, et reflète parfaitement l’état d’esprit du narrateur, une sorte de cinglé, paranoïaque aux prises avec tout le monde et notamment ceux qui voudraient le juger ou l’aider, tout le monde sauf une serveuse rousse qui aura plus tard ses faveurs (sans retour).

Après avoir voulu quitter ce « monde pourri » et cette « lamentable existence » en se suicidant, tout en voulant que ce soit propre, rapide et sûr, après avoir égrené les méthodes en esthète, le narrateur opte finalement pour le canon de revolver dans la bouche. L’armurier, aux prises avec une panne informatique, ne peut le servir et il doit attendre quelques jours que lui soit livrée l’arme. C’est alors qu’il réalise qu’il est une victime, que ce n’est pas à lui de mourir, mais à ceux qui lui font du mal et en font à d’autres.

Le narrateur se veut un justicier, jurant d’éliminer les bureaucrates qui vous suppriment vos avantages dans l’anonymat, les mafieux en exacerbant la guerre qu’ils se mènent entre eux, Russes et Ritals, enfin les racistes – celui qui tue des personnes parce qu’elles sont noires et les jurés tout aussi ségrégationnistes qui s’emploient à innocenter l’assassin. Dans cette folie furieuse, il y a de la morale. De la méthode et de l’efficacité aussi, car il va mettre ses projets à exécution.

Au moyen d’un style parfaitement efficace car reflétant les méandres d’une pensée primaire, l’auteur décrit une démence liée à la solitude, à des rancœurs de laissé pour compte, tel que peut en sécréter cette Amérique si profondément individualiste, inégalitaire, bureaucratique, corrompue, mafieuse…

Ce livre est pour moi davantage un exercice de style réussi qu’un œuvre majeure telle que celles auxquelles Selby Junior nous avait habitués (Last exit to Brocklin, Le Démon)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article