Épisodes de la vie des mantes religieuses, par Louis Calafarte

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Poétique, onirique, érotique, hypnotique…

Ce livre est un recueil d'instants, d'instantanés, d'impressions fugitives. Il est composé de fragments, de morceaux de texte, parfois autonomes, se suffisant à eux-mêmes et sans raccords. Il tient de la poésie, de la rêverie, du songe chimérique. Comme tel, il oscille d'une vision mouvante ou érotique ou macabre, à un fantasme évanescent, fiévreux ou écorché. Les femmes, l’amour, le sexe, la mort en sont les thèmes.

Dès les premières pages, le ton est donné : une femme est assassinée, l'auteur est hanté par la vision du cadavre "peut-être défiguré". Enfant, il apprit que la "grosse femme du lavoir" mourut "éventrée" et il trouva juste que cette femme laide eut cette mort répugnante. D. est la femme qui revient le plus souvent dans ces pages, c'est probablement elle la mante religieuse évoquée au début, qui dévore doucement son compagnon durant son sommeil. De penser à son parfum quelquefois écœurant, l'auteur pense à d'autres femmes, à leurs odeurs, fond de teint, parfum, peau, cheveux. Il doit surmonter "l'odeur saline de leur jouissance". Il se remémore V., Y., T., l'odeur aigre d'une grosse prostituée, celle aigrelette, douceâtre du cadavre de sa tante.

Au chapitre suivant, l'auteur joue avec une présence au début insaisissable, une femme, qui le traverse, stationne en lui, se déplace avec lui, et s'il voulait aujourd'hui l'expulser, "ce serait un gigantesque travail de déracinement". On n'en saura pas plus.

L’auteur pourrait être un séducteur frénétique, une sorte de Don Juan, dans le besoin le plus souvent, dans le désir de séduire, parfois celui de prendre l’autre violemment, aussi dans l’ennui, le fantasme (tuer, violer), l’obscénité.

Ce livre oscille, se balance, va de l’une à l’autre, d’une époque à l’autre, de l’enfance à l’âge mûr, de la caresse tendre à l’acte impudique, de la vie à la mort. Il entraine le lecteur dans son sillage, sans l’avertir du danger à lire, à dévorer, à se laisser prendre.

Pour Marcela Iacub qui préface ces Épisodes, « Calaferte crée un rythme et une ambiance presque hypnotiques », avec le devoir de « nous transformer en victimes du plaisir qu’il nous donne ». Victime de mantes religieuses, il connaît ce statut. C’est ce qui doit le conduire à cette nonchalance sensitive, à cette nervosité réactive, miroirs d’une passion amoureuse « de dimension cosmique » selon l’emphatique Marcela.

Un livre d'une grande sensualité qu’on ne lâche pas.

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