Beloved, par Toni Morrison

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Le décor de ce grand roman est l’Amérique peu après la guerre de sécession, et l’intrigue tourne autour d’une  génération d’esclaves et en particulier d’une femme marquée par un infanticide et le fantôme du nourrisson mort.

 

Le domaine du Bon-Abri n’est pas un mauvais endroit pour les esclaves affranchis ou qui ont brisé leurs chaines et se sont enfuis. Monsieur et Madame Garner les traitent avec humanité, tout en restant leurs maîtres. Sethe est une jeune esclave qui s’enfuit après avoir expédié ses enfants, deux garçons et une petite fille de quelques mois, chez sa belle-mère, Baby Suggs, ancienne esclave rachetée par son fils - lequel n’a pas totalement réglé sa dette. La famille habite au « 124 », dans les faubourgs de Cincinnati. Entretemps Sethe a accouché d’une autre petite fille, Denver. Les « maîtres » blancs débarquent au 124 et veulent récupérer leurs esclaves. Sethe tue sa première fille pour lui épargner l’esclavage et s’apprête à faire de même pour Denver quand elle est prise et emprisonnée pour infanticide. Ses fils, le père de ses enfants s’enfuient, Baby Suggs meurt, et Sethe et sa fille Denver - et, dirait-on, le fantôme du bébé mort - vivent au 124. Dix-huit ans plus tard, alors que Sethe a retrouvé un ancien du Bon Abri, Paul D., qui voudrait partager sa vie, surgit une jeune fille assez envoûtante qui a l’âge que le bébé aurait s’il avait vécu, et qui se nomme Beloved. Tout à fait acceptée au 124, elle séduit Paul, et Paul s’en va. Sethe, meurtrie dans son corps, le dos marqué par les séquelles du fouet qu’elle a connu esclave, vit alors avec ses deux filles une très forte histoire d’amour, amour maternel fou, amour dévorant en particulier pour « la ressuscitée », Beloved qui prend Sethe pour sa mère, et que Sethe prend pour sa fille. Toute entière dans sa culpabilité, la mère semble alors possédée, hors des réalités, elle s’extrait  du monde et  doit à sa fille Denver de refaire surface.

SI le style, puissant et poétique de Toni Morrison, est appréciable, capable de faire naître de fortes émotions en lien avec la violence des faits relatés, l’horreur et l’indignité de la condition d’esclave, mais aussi des visions fantastiques, la construction du récit m’a déconcerté. La chronologie des faits est déroutante, on passe de « l’époque actuelle au 124 » à celle du Bon Abri, dix-huit ans auparavant, voire plus. Et cela sans transition nette dans le texte. Les faits eux-mêmes sont distillés avec parcimonie, l’auteur use volontiers de l’ellipse, de la suggestion, précisant plus loin les choses avec la même économie de mots.

Ainsi, j’ai du mal à entrer dans les romans de Toni Morrison (ce n’est pas le premier). Beloved est un ouvrage majeur de l’auteure, son intrigue est passionnante, mais je regrette que sa lecture soit parfois décourageante.

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M
Encore un excellent article sur votre blog, le résumé en dit beaucoup, il s'adresse donc davantage à ceux qui ont lu le livre ; mais il permet une remémoration très appréciable.<br /> Pour l'analyse, je la trouve aussi très intéressante et très représentative de l'impression produite par les romans de Toni Morrison.<br /> J'ai lu récemment d'elle "Délivrances", qui n'a pas cette complexité tout en ayant un style polyphonique intéressant. Ce qui a blessé le personnage, et qui fait aussi l'objet de souvenirs traumatisants, de visions presque délirantes est toujours extrêmement violent, cela peut déplaire... Mais elle a une réelle faculté à faire voir, à faire exister des personnages assez extraordinaires.<br /> <br /> Merci pour vos articles.<br /> À quand la prochaine critique littéraire ?<br /> Avez-vous un profil Babelio ?
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