Underground Railroad, par Colson Whitehead

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Ce roman est bien sûr un roman, une fiction, mais qui nous enrichit de tant d’enseignements sur les mœurs et pratiques esclavagistes du Sud des États-Unis au début du XiXe siècle, qu’on pourrait le qualifier de roman historique.
 

Nous sommes en Georgie, dans une plantation de coton, le maitre Terrence Randall, règne sur ses esclaves en tortionnaire cruel. L’encadrement est rigoureux, humiliant, il n’est pas permis de s’éduquer, ni même d’apprendre à lire, des coups de fouet sanctionnent la moindre incartade, les relations entre esclaves sont hiérarchisées, le viol est monnaie courante. Cora, 16 ans, abandonnée par sa mère qui a réussi à s’enfuir, se laisse persuader par Caesar que c’est son tour de partir. Cette jeune fille, autrefois violée et souvent violentée, cumule intelligence, courage, audace au combat. Elle s’évade avec Caesar. De grands moyens sont déployés pour retrouver les fugitifs.
Dans les États du Sud, la traque d’esclaves en fuite est prise en mains par des chasseurs occasionnels ou professionnels, les uns et les autres mus par de la haine raciale ou par les généreuses primes offertes par les planteurs. 
Grâce à la complaisance d’un membre du réseau d’Underground Railroad, Cora et Caesar se retrouvent en Caroline du Sud par le chemin de fer souterrain. Cet État est relativement bienveillant pour les Noirs. Les fugitifs travaillent, sont logés, mais Cora se voit proposer une sorte de stérilisation gynécologique chirurgicale, comme à beaucoup de jeunes filles d’origine africaine. L’Amérique blanche craint de se voir démographiquement dépassée. Il se murmure que des immigrants irlandais payés à bas prix pourraient remplacer les esclaves noirs dans les champs de coton. Cora et son ami sont alors découverts par Ridgeway, chasseur d’esclaves féroce, qui tue Caesar et poursuit Cora, laquelle se retrouve grâce au chemin de fer clandestin en Caroline du    Nord, accueillie par un couple d’abolitionnistes qui la cache dans un grenier pendant plusieurs mois, jusqu’à sa découverte par Ridgeway, ce qui l’oblige à s’enfuir à nouveau. La Caroline du Nord est violemment raciste. 
Cora se retrouve ensuite en Indiana dans une sorte de communauté tenue par des abolitionnistes et intellectuels noirs où règnent le travail collectif, la solidarité, la tolérance, mais où certains ne tolèrent plus les fugitifs, au point de prévenir les autorités lors d’une soirée-débat. Carnage, incendie, la communauté est anéantie. Cora, engagée dans un combat à mort avec le chasseur Ridgeway, prend le dessus. Elle se dirige alors vers l’Ouest.
L’auteur a pris au mot le réseau « Underground Railroad » qui existait réellement, mais qui était basé sur des routes ou des chemins secrets, et sur des personnes abolitionnistes qui servaient de relais, offraient des refuges aux fugitifs. Il a ainsi imaginé un réseau de voies ferrées, par lequel transitaient les esclaves qui s’évadaient.
Prix Pulitzer et National Book Award en 2017, ce roman puissant adopte par moments le ton et le rythme d’un thriller, tout en restant  particulièrement instructif. Sa portée, historique et même politique, car le racisme et la ségrégation sont encore une réalité installée et cuisante,  est un outil essentiel pour comprendre l’Amérique d’aujourd’hui.

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